2. Personnalités du Monde Magique

Le premier Ministre de la République Magique Française est un vénérable sorcier octogénaire, connu dans tout le pays pour ses talents littéraires, son habitude de fumer des cigares de Harpie démesurés qui dégagent une odeur nauséabonde et sa déconnexion totale vis-à-vis de la réalité. Lauréat, quarante ans plus tôt, du Prix de l’Institut des Lettres Enchantées Pour Ouvrage Indubitablement Louable (le PILEPOIL) pour son recueil de poésies Divagations en Rêveroserie, il est l’une des figures culturelles les plus respectées par les magiciens francophones.

C’est à ce titre, ainsi qu’à cause de sa parfaite placidité en toute circonstance, qu’il s’est retrouvé un peu inopinément à la tête de la République – un rôle plus honorifique qu’autre chose, mais symboliquement important. Il faut dire qu’il est l’une des rares personnalités « neutres » à être respectée par les Républicains autant que les Royarquistes, tant et si bien que l’absence de tout autre candidat consensuel lui a valu d’obtenir un second mandat en 1894.

Sorcière majestueuse et puissante, profondément intelligente, elle passa sa vie à lutter entre un sens des responsabilités qui lui imposait d'assumer son héritage royarqual, d'une part, et la féroce intuition que ses sujets étaient parvenus à l'âge de de leur majorité politique, d'autre part. Finalement, ce fut cette dernière qui l'emporta, et elle renonça sciemment à son trône avec l'espoir de mener son peuple vers une nouvelle ère de libertés. Depuis son abdication, elle se consacre à diverses œuvres caritatives, et ne rechigne jamais à prendre publiquement la parole pour défendre la justice et la tolérance.

Jeune fille de 16 ans qui n’a pas encore terminé ses études à Beauxbâtons où elle suit la filière Classiciste, Pressyne n’en avait que deux quand Similien, le fils de Sixtine IV, mourut prématurément, la plaçant d’office sur la liste des candidats aux trônes (son père était  le neveu de la Royarque, et aurait été le successeur idéal s’il n’était pas parti étudier les Boursouflets Arctiques dans les Kerguelen). Vu son âge, Sixtine savait pertinemment que Pressyne ne pourrait être chose qu’un jouet aux mains de la noblesse, qui l’utiliserait pour abolir ses réformes libérales. La désigner comme héritière n’était donc, hélas, pas une option.

C’est d’autant plus dommage que l’adolescente qu’est devenue Pressyne aurait au bout du compte fait une dauphine idéale pour la vieille Royarque : calme et cultivée, elle a parfaitement compris que sa meilleure chance de récupérer son trône était de poursuivre la politique moderniste de sa grand-tante, tout en annulant les mesures isolationnistes de la République. Très douée en langues, elle parle notamment le Sirénien, le Gobelbabil et le Vampirique, ce qui lui vaut le soutien indéfectible des minorités magiques et des royarquistes modérés, ceux qui sont pour une abolition des privilèges tout en étant attachés à la vieille monarchie. Son principal obstacle n’est en fait autre qu’elle-même : à 16 ans, l’adolescente n’a pas spécialement envie d’assumer les lourdes charges du pouvoir ; l’avenir seul dira qui l’emportera, de son sens du devoir ou de ses envies personnelles.

A 33 ans, cet ancien champion de Quidditch de Beauxbâtons est un homme dans la force de l’âge, énergique, sportif, drôle, bon orateur et suffisamment beau pour constituer le principal fantasme de la ménagère magique moyenne. Fils de  la dernière sœur de Sixtine IV, ses prétentions au trône paraissent fragiles face à celles, plus directes, de Pressyne ; mais le fait que le père de cette dernière ait volontairement renoncé à ses droits et qu’elle-même soit encore une adolescente visiblement peu enthousiaste à l’idée de devenir Royarque a poussé une partie de l’aristocratie, surtout dans les échelons les plus élevés, à soutenir la candidature (en réalité avancée par sa mère, à laquelle il obéit à la lettre) de Théophraste.

Lui-même est un individu frivole et sans ambition, bien intentionné et toujours prêt à lâcher un mot gentil ; ce n’est en rien un idiot, mais ses préoccupations résident loin de la politique. L’idée de devenir Royarque lui plait essentiellement pour le prestige attaché au titre, et ce sont sa mère et sa coterie de grands nobles qui tirent les ficelles, désireux de revenir à leurs privilèges d’antan. Si une influence plus douce parvenait à s’emparer de Théophraste, peut-être les vues de ce dernier changeraient-elles…

Issu d’une famille bourgeoise sorcière, Maximilius Clémenchon se destinait à une paisible carrière de hiboutier avant de rencontrer Rosa Monaco, la célèbre passionaria qui devint la plus fervente avocate de la République Magique au milieu du XIXème siècle. Bouleversé par la verve et le charisme de la militante, il adhéra sans conditions à ses idées et, quand la vieille dame devint trop âgée et trop usée pour continuer le combat (faut dire qu’elle avait 117 ans…), il prit sa suite à la tête du Parti Républicain. Le retournement opéré par la Royarque Sixtine IV qui aboutit à l’abolition de la monarchie le prit un peu dépourvu mais, homme de combats jusqu’au bout, il en profita pour fonder dans la foulée le Parti Secrétiste, qui rassemble les radicaux républicains désireux de marquer encore davantage la rupture avec l’ancien régime et la société moldue.

Clémenchon est connu pour deux choses : sa totale foi en la justesse de sa cause, d’une part ; sa capacité exceptionnelle à insulter ses adversaires politiques, d’autre part (et également, dans la continuité de cette caractéristique, pour la grande imagination dont il fait preuve dans la création d’injures colorées). Acrimonieux et sans complexes, il s’est taillé une réputation d’orateur brutal, mais persuasif, ainsi que d’extrémiste incorruptible. Il voue une haine profonde à l’idée de Royarquie.

L’histoire de la sorcellerie française n’aurait peut-être pas été la même si, pendant ses études à Beauxbâtons, Ermengarde Thibault ne s’était pas retrouvée dans la même année, la même filière et le même dortoir que la future Royarque Sixtine IV. L’amitié qui naquit de leur rencontre fut en effet le principal ciment qui pava la voie à la proclamation de la République Magique.

A la sortie de l’école, Ermengarde devint une magicojuriste respectée et poursuivit une brillante carrière dans la Justice Magique. Malgré son amitié pour la Royarque, elle considérait que le vieux système monarchique n’avait plus beaucoup de signification et qu’il était temps pour tous les magiciens d’être égaux ; cependant, l’idée que cette institution âgée de 800 ans puisse s’achever lui semblait très lointaine. Les réformes progressistes initiées par son ancienne condisciple lui suffisaient amplement, et nombre d’entre elles le furent d’ailleurs sur ses propres conseils. C’est la crise successorale provoquée par la mort de Similien qui bouleversa totalement la donne : face à l’inadéquation de chacun des candidats, Ermengarde et Sixtine décidèrent que l’heure de proclamer la République était venue. En tant que juriste, la première fut chargée de rédiger la nouvelle constitution, tandis que la seconde usait de toute son expérience politique pour permettre une transition aussi douce que possible.

En 1891, devant la montée des extrêmes Royarquiste et Secrétiste, Ermengarde s’engagea en politique et n’eut aucune difficulté à se faire élire présidente de l’Alliance Sorcière, les républicains modérés qui jouissent d’une courte majorité au Parlemagique.