1. Présentation du Monde Magique français

La principale différence qui sépare le monde Magique français du modèle britannique est d’ordre politique : là où Grande-Bretagne et Irlande n’ont jamais connu de « Roi-Sorcier », la France a pour sa part été dirigée pendant près de 800 ans par la lignée des « Royarques » de la maison de Fantasmagorie. Son premier membre était Théophraste I le Juste, un enfant illégitime – et magique – de Robert II le Pieux (encore à ce jour, il existe un débat parmi les historiens de la Magie pour savoir si Robert lui-même était un sorcier).  Invoquant sa royale origine et, surtout, surfant sur les conflits qui divisaient alors la sorcellerie française, Théophraste réussit à mettre tout le monde d’accord et à se faire reconnaître comme souverain de tous les êtres magiques résidant des pics Pyrénéens aux confins d'Artois, des rives du Couesnon aux racines des Alpes.

L’origine Moldue des de Fantasmagorie marqua durablement l’esprit des magiciens français : à partir du moment où leur souverain était lui-même issu d’un ancêtre dépourvu de pouvoirs, la notion de « pureté de sang » perdait beaucoup de son sens. Au fil du temps, une noblesse se forma autour des Royarques, constituée, non pas de familles qui pouvaient prouver que leurs ancêtres pratiquaient la magie depuis des siècles, mais de sorciers et de sorcières qui formaient des alliances matrimoniales avec la noblesse Moldue. Cette mode d’épouser des Moldus devint de si bon ton qu’après la ratification par les Royarques du Code International du Secret Magique (signé en 1689, appliqué à partir de 1692), le droit pour un magicien de se marier avec un humain normal devint un privilège réservé à cette « noblesse sorcière », tandis que les roturiers prirent l’habitude de ne se marier qu’entre enchanteurs. Le peuple, par opposition et parce qu’on leur refusait le contact avec les Moldus, finit ainsi par développer cette passion pour la « pureté du sang » sorcier qu’on retrouve dans beaucoup d’autres pays.

En février 1887, Similien IV, fils unique et héritier incontesté de la Royarque régnante Sixtine IV, mourut assez bêtement durant une chasse aux licheurs (son abraxan prit peur face à une fée un peu acrimonieuse et le renversa). Son décès entraîna un double problème : d’une part, une crise successorale éclata pour savoir qui, des deux cousins les plus proches de Similien, devait devenir héritier au trône ; d’autre part, la vieille Sixtine était une sorcière moderne et libérale, qui avait fait beaucoup pendant ses quarante ans de règne pour réduire la fracture qui existait depuis le Moyen-Âge entre noblesse et plèbe. Elle savait pertinemment que, quel que soit le candidat qui l’emporterait, il tenterait de supprimer toutes les réformes qu’elle avait initiées, ce qui provoquerait de terribles dissensions dans le pays.

Six mois plus tard, la République Magique Française était proclamée, avec le vénérable magicopoète Ovidius Dubrouillon comme premier ministre. Si la république devint synonyme d’abolition des privilèges (jusqu’alors, la noblesse avait un accès favorisé à certaines carrières politiques et bénéficiait de taxes bien moins lourdes que la roture), elle marqua aussi un recul sur certains points : sur le modèle Américain, elle instaura une séparation rigide entre sorcellerie et monde Moldu, interdisant tout mariage entre les sociétés et renforçant le Secret Magique. En outre, les créatures magiques intelligentes, telles les Centaures ou les Gobelins, qui avaient été parfaitement intégrées par la monarchie (les Royarques se voyant comme leurs souverains autant que ceux des humains), commencèrent à faire l’objet d’une ségrégation qui, bien qu’elle n’attînt pas l’ampleur de celle vécue en Grande-Bretagne, éveilla de nouvelles rancœurs entre les communautés.

De tout ceci, il résulte que l’opposition de l’Union Royarquiste reste très forte, même si elle pourrait l’être encore plus, n’était la division entre les partisans de chacun des candidats au trône : Théophraste VI de Fantasmagorie-Bourgmagie, un homme énergique et charismatique, partisan d’un retour total à l’ancien régime, qui jouit du soutien des nobles les plus influents, et Pressyne V de Fantasmagorie-Luynes, à peine sortie de l’adolescence, plus raisonnable et qui bénéficie d’une grande popularité auprès des créatures magiques – ce qui lui donne accès au précieux or des Gobelins. Côté, républicain, le Parti Secrétiste cristallise les sentiments des radicaux qui souhaitent prolonger l’isolation des magiciens et la prévalence des humains sur les créatures. Les modérés de l’Alliance Sorcière, qui jouissent d’une majorité relative à au Parlemagique, ont bien du mal à éviter une escalade des tensions.

Pour l’anecdote, notez que la Bretagne, la Savoie et l’Alsace, contrairement à leurs équivalents Moldus, ne font pas partie de « l’Etat Magique » Français : les conflits qui ont eu lieu pour les annexer à la France chez les Non-Magiques sont en effet inconnus des sorciers. C’est ainsi que la Bretagne est encore dirigée depuis la cité sous-marine de Ker-Is par un conseil de druides, tandis que la Savoie possède son propre ministère perché au sommet d’un pic alpestre. Quant à l’Alsace, elle fait partie de la contrée enchantée connue sous le nom de « Pays du Rhin » qui est dirigée depuis toujours par la mystérieuse fée Loreley. Mais de toute façon, les frontières entre ces pays et la France sont extrêmement permissives, et leurs élèves francophones vont à Beauxbâtons comme tous les autres ; il n’existe guère d’esprit de compétition entre tout ce joli monde, et les différences tiennent plus aux traditions qu’aux lois.